Prix de l'énergie : malgré les cris d'alarme, les faillites restent contenues en France

La flambée des prix de l'énergie a-t-elle provoqué des faillites en série, comme l'annonçaient certaines organisations professionnelles ? Pas pour le moment, même si les défaillances d'entreprises augmentent régulièrement depuis le début de l'année 2022.

Quelques mois après les dispositifs de soutien déployés en urgence par le gouvernement pour apaiser la fronde des boulangers, les chiffres publiés jeudi par la Banque de France semblent confirmer que le pire ne s'est pas produit.

Les dernières statistiques de la banque centrale attestent certes d'une remontée des défaillances d'entreprises - sans en préciser la cause -, mais les redressements et liquidations judiciaires restent moins nombreux qu'avant la pandémie de Covid-19.

Entre avril 2022 et mars 2023, le nombre de défaillances d'entreprises s'est ainsi établi à 45.120, soit 12% en dessous du total recensé entre avril 2018 et mars 2019.

Le cumul sur douze mois des défaillances demeure en outre "inférieur au niveau moyen enregistré sur la période 2010-2019 (59.342 défaillances)", détaille la Banque de France.

Un constat bien moins alarmiste que celui de la CPME en octobre 2022. Dans une enquête auprès de 2.400 chefs de petites entreprises, l'organisation patronale indiquait alors que près d'un dirigeant de TPE/PME sur dix envisageait d'arrêter son activité du fait de la flambée des prix de l'énergie.

"Il y a bien une augmentation des procédures collectives", concède auprès de l'AFP Rozen Saint-Joanis, conseillère départementale à la sortie de crise (CDSC) dans l'Eure.

"C'est choquant parce qu'on avait perdu l'habitude pendant la période Covid d'avoir des entreprises en liquidation, mais on est en train de revenir à ni plus ni moins que la situation normale", ajoute cette agente des impôts. Comme elle, une centaine d'autres conseillers à travers la France sont chargés de guider les entreprises de leur département dans le maquis des dispositifs d'aide déployés par l'Etat (bouclier tarifaire, amortisseur électricité, guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité...).

- Prudence -

"Je ne peux pas souscrire au fait qu'il y ait un mur de faillites", confirme Anne Ramos, CDSC de la Creuse.

Dans ce département qui compte environ 3.500 entreprises selon Mme Ramos, à peine 47 procédures collectives ont été ouvertes en 2022. Un faible total peut-être lié au fait que certaines entreprises en difficulté se tournent plus volontiers vers les chambres consulaires (CCI, CMA) que vers les conseillers départementaux pour obtenir de l'aide.

Tous les CDSC contactés par l'AFP reconnaissent néanmoins être nettement plus sollicités par les entreprises depuis le début de l'année.

"On a reçu un afflux supplémentaire" consécutif aux campagnes de communication initiées par le gouvernement pour promouvoir les différentes aides, raconte Jean-Yves Bolot, CDSC des Vosges. Les sollicitations ont été multipliées "par huit ou neuf", assure-t-il.

Davantage que le remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE) ou les tensions d'approvisionnement, "l'énergie est vraiment la grande préoccupation aujourd'hui", estime Alain Di Crescenzo, le président de CCI France, le réseau national des chambres de commerce et d'industrie.

"On est dans des phases de renouvellement massifs de contrats d'énergie", ajoute-t-il pour expliquer cet accroissement des requêtes des entreprises.

Conseillère départementale à la sortie de crise de l'Aude, Edith Sarrazin a récemment dû venir à la rescousse d'un hôtel dont la facture d'électricité mensuelle avait bondi de 2.000 à 14.000 euros - l'équivalent de son chiffre d'affaires mensuel.

Si la France n'a pas connu de mur de faillites à ce stade, la prudence reste donc de mise et 55% des entreprises interrogées en mars par CCI France affirmaient ressentir dans leur activité les effets de la flambée des prix de l'énergie.

70% des entreprises industrielles se disent touchées par l'inflation énergétique dans la dernière enquête de CCI France publiée jeudi mais la hausse des prix "pénalise également les petits commerçants, les boulangers", avertit Alain Di Crescenzo.

L'assureur crédit Allianz Trade table sur des défaillances d'entreprises plus nombreuses en 2023 qu'en 2019.

"Aux entreprises +zombies+ qui avaient été secourues lors de la pandémie et qui font progressivement défaut, vont s'ajouter les entreprises qui vont pâtir du contexte actuel", estime Maxime Lemerle, responsable des études sur les défaillances chez Allianz Trade.

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