Nouvel épisode de la guerre de l'immobilier à Monaco

La guerre de l'immobilier qui fait rage à Monaco depuis plus d'un an avec une campagne sur internet mettant en cause quatre proches du prince Albert II a connu un nouvel épisode vendredi avec le dépôt d'une requête contre le président du tribunal suprême de la principauté.

Le magnat de l'immobilier monégasque Patrice Pastor, par le biais de sa société Esperanza, a déposé une requête en récusation visant Didier Linotte, président du tribunal suprême de Monaco, en mettant en cause son "impartialité" dans le traitement d'un contentieux portant sur un important projet immobilier, "l'esplanade des pêcheurs".

Les enjeux financiers sont considérables, le prix du m2 à Monaco étant parmi les plus élevés au monde. Et sur cette bande de terre de 2km2 déjà ultra urbanisée, qui s'étend le long de la mer, chaque surface libre est âprement disputée.

Ce qui est le cas pour "l'esplanade des pêcheurs" d'une superficie d'environ 13.000 m2, enjeu d'une bataille féroce entre le groupe Caroli, qui entend y construire un complexe immobilier et culturel, et celui de M. Pastor.

Cette requête en récusation dont l'AFP a eu connaissance, s'appuie sur des documents (vidéos, échanges de mails confidentiels, etc.) en lien avec des projets immobiliers diffusés à l'automne 2021 par un site internet intitulé "les dossiers du Rocher".

Ces documents ciblent quatre proches du prince Albert II, baptisés "le G4" par le site: outre Didier Linotte, il s'agit de Thierry Lacoste, son avocat et ami d'enfance, de Claude Palmero, expert-comptable et administrateur de ses biens et de Laurent Anselmi, son chef de cabinet.

Dans cette affaire des "Dossiers du Rocher", les quatre mis en cause ont déposé plainte ainsi que Patrice Pastor, accusé d'être le commanditaire de ce site. Fin octobre, deux hommes, soupçonnés d'avoir participé à cette campagne, ont été mis en examen à Paris.

Pour argumenter sa requête qui a trait à un litige concernant "l'esplanade des pêcheurs", Patrice Pastor évoque des documents publiés par les "dossiers du Rocher" faisant état de liens entre le groupe Caroli et les membres du G4.

Il souligne que "la teneur et l'authenticité" des documents diffusés n'ont "pas été démenties".

 

"Juge et partie" 

En conséquence, le richissime homme d'affaires estime que "l'examen serein et impartial" de son recours contre un déclassement du site est "objectivement impossible" de la part de M. Linotte.

Pour le groupe Pastor, "tant la définition du projet que les modalités de désignation du groupe Caroli n'ont jamais été totalement clarifiées, l'ensemble du processus échappant à la mise en concurrence, seule de nature à protéger les intérêts de l'Etat monégasque".

Interrogé par l'AFP, Me Richard Malka, avocat de Patrice Pastor, a fait valoir que "l'impartialité" de M. Linotte avait été à "plusieurs reprises interrogées à raison" par Serge Telle, ancien ministre d'Etat de la Principauté, concernant "des conflits d'intérêts".

"Je ne peux pas imaginer qu'un si haut magistrat n'ait pas à coeur de protéger l'institution judiciaire en se maintenant de force dans ce litige", a-t-il ajouté.

"Aucun haut magistrat, conscient de sa responsabilité, ne ferait cela et c'est donc très confiants que nous attendons que M. Linotte fasse preuve de responsabilité en se déportant. Cette décision s'impose pour écarter toute suspicion d'être juge et partie", a insisté Me Malka.

Contacté par l'AFP, M. Linotte n'a pas souhaité faire de commentaire.

Le tribunal suprême de Monaco, qui a compétence en matière constitutionnelle et administrative, est composé de cinq membres et de deux suppléants.

Concrètement, le tribunal, réuni en formation de jugement, peut rejeter la requête ou alors l'instruire. En tout état de cause, s'il devait se réunir, ce serait sans son président, qui serait alors entendu au cours des débats.

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