A Marseille, des écoles font peau neuve après des décennies d'abandon

"J'espère que les problèmes sont derrière nous", souffle une mère de famille en découvrant l'école rutilante de ses enfants à Marseille. Dans la deuxième ville de France, l'ambitieux chantier de rénovation des établissements scolaires progresse malgré les critiques et les échéances électorales.

La joie se dessine sur le visage des parents et enfants à la vue du nouveau groupe scolaire Bouge, situé dans les quartiers Nord. "C'est trop beau!", s'émerveille Faïka, 4 ans, avant de s'élancer dans le toboggan tubulaire qui sert d'accès direct à sa classe, lors de la rentrée scolaire étalée entre jeudi et vendredi le temps de déballer les derniers cartons.

Jardinets, ombrières, murs en bois ajouré, toit-terrasse biosourcé ont remplacé les préfabriqués provisoires qui avaient été implantés dans le quartier populaire de Malpassé (13e arrondissement).

Coût de la reconstruction: 16 millions d'euros. Un nouveau souffle pour cet établissement symbole du délabrement des écoles marseillaises.

Infiltrations, chaleur étouffante l'été, froid glaçant l'hiver en raison d'une structure métallique, murs qui s'écroulent jusqu'à fermer le gymnase pour des raisons de sécurité étaient son lot quotidien. Le président de la République Emmanuel Macron y avait fait sa rentrée en 2021 promettant de "faire le maximum" pour aider la 2e ville de France à rattraper ses retards historiques en terme d'équipements.

Dans la foulée était lancé le plan "Marseille en grand", avec deux priorités: remettre à flot le parc scolaire et développer les transports en commun dans une ville de 900.000 habitants qui ne compte que deux lignes de métro.

Sur le volet école, une enveloppe de 1,5 milliard d'euros dont 400 millions d'euros injectés par l'État, était allouée pour la réhabilitation ou reconstruction de 188 établissements sur les 470 d'ici 10 ans. Pour la mise en oeuvre de ce chantier titanesque, l'Etat et la ville ont créé une société publique des écoles marseillaises (SPEM), une première en France.

"20 ans d'avance" ?

Depuis, ce sont "27 écoles" qui sont sorties de terre, "une prouesse" en dépit des couacs juridiques, se félicite le maire divers gauche Benoît Payan, qui a fait de ce sujet une priorité de son mandat.

La municipalité assure que "95 écoles seront soit livrées, soit en chantier, soit les contrats auront été signés", d'ici mars 2026.

Des chiffres "farfelus" pour l'opposition de droite qui reconnaît toutefois "un besoin d'investissement massif dans les écoles". Pour Romain Simmarano, directeur de cabinet du président de la région Sud Renaud Muselier (Renaissance), le bilan est "mensonger".

"Contrairement à la communication de la ville, 16 écoles au mieux seront construites ou rénovées sur la fin de mandat", selon son décompte qui "n'additionne pas" les établissements validés sous la précédente mandature.

M. Payan sélectionne "ses écoles en fonction de la carte électorale", ironise un autre sous couvert de l'anonymat, à quelques mois des municipales en mars 2026 où la droite rêve de reconquérir la ville.

Le Collectif des écoles de Marseille a dénoncé lui en cette semaine de rentrée "la com' outrancière de la mairie", en publiant des photos d'une école provisoire en préfabriqués inondée lundi après des intempéries qui ont contraint les autorités à décaler la rentrée à mardi.

En 2024, la Cour des comptes avait publié un rapport cinglant sur le plan "Marseille en grand". Sur le volet école, elle regrettait qu'il n'y ait sur le fond "aucune mesure spécifique visant à répondre aux causes de l'échec scolaire" dans une ville coupée en deux avec au Sud des quartiers riches et au Nord des quartiers parmi les plus pauvres d'Europe.

"Ceux qui disent qu'on gère mal n'ont rien fait pendant 25 ans", fustige l'élu Pierre-Marie Ganozzi. "Vous aviez un sous-investissement chronique avec un budget annuel de moins de 10 millions d'euros qu'on a porté à 40 millions", indique l'adjoint au maire en charge du bâti scolaire.

"Là où nos écoles avaient 20 ans de retard, elles auront aujourd'hui 20 ans d'avance aussi bien en termes de confort thermique, d'équipements, d'outils pédagogiques. Marseille sera montrée en exemple", prophétise celui qui est également enseignant en d'histoire-géographie.

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