Loin de faire l'unanimité, le ministre Jeanbrun appelé à agir vite face à la crise du logement

Député du Val-de-Marne et auteur de propositions contestées pour les quartiers populaires, le nouveau ministre de la Ville et du Logement Vincent Jeanbrun est loin de faire l'unanimité au sein du secteur, qui l'exhorte à agir vite face à la crise du logement.

Porte-parole du groupe LR à l'Assemblée nationale, Vincent Jeanbrun a émergé médiatiquement durant les émeutes de l'été 2023, consécutives à la mort de Nahel Merzouk, adolescent de 17 ans tué par une balle tirée par un policier.

Alors maire de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), son domicile avait été attaqué à la voiture-bélier. Sa femme, présente, avait été blessée en prenant la fuite avec leurs deux jeunes enfants.

En juin, il avait présenté un "plan banlieues", avec une vingtaine de propositions, dont des mesures sécuritaires pour lutter contre la délinquance. Il appelait en outre à mettre fin au "logement social à vie".

M. Jeanbrun y reprenait notamment des idées de l'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian: exclure les familles de délinquants du parc social, interdire le paiement des loyers en liquide, plafonner à 30% la part de logements sociaux par commune ou encore fixer une date limite de vente au privé des logements sociaux.

"Des fausses bonnes idées qui démontrent une méconnaissance des besoins du logement social", selon Inaki Echaniz, député PS des Pyrénées-Atlantiques. Et des "propositions ultra-libérales" qui aggraveraient "encore une crise du logement déjà terrible", selon Jacques Baudrier, adjoint PCF chargé du logement à la mairie de Paris, atterré par cette nomination.

La Confédération nationale du logement (CNL), association de défense des locataires présidée par l'élu lillois et communiste Eddie Jacquemart, prend cette nomination comme "une provocation pour tout le secteur".

La branche du Val-de-Marne de la CNL ajoute que ses "orientations passées laissent craindre la poursuite d'une politique au service des investisseurs plutôt que des locataires et des familles modestes".

"Loin des enjeux"

Pas convaincu par l'entrée au gouvernement de Vincent Jeanbrun, Inaki Echaniz estime auprès de l'AFP que "ses positions sur le logement sont loin des enjeux et de la nécessité d'avoir de vraies actions et une vraie politique du logement".

Premier poste de dépense des Français, le logement connaît une crise qui affecte tous ses pans : logement social, construction neuve, marché locatif privé, accession à la propriété, lourds besoins de rénovation.

Lundi sur X, le nouveau ministre a affirmé qu'il y avait "urgence à changer la vie des Français qui vivent dans nos QPV (quartiers prioritaires, ndlr) et faire face à la crise du logement".

Les acteurs du logement espèrent surtout des actions rapides: "Hors de question de participer à d'énièmes auditions !", grogne la Fédération française du bâtiment (FFB) sur Linkedin.

Elle "demande au gouvernement de Sébastien Lecornu de se mettre immédiatement au travail sur les sujets logement, construction et immobilier afin de répondre aux urgences déjà largement partagées depuis des mois".

"Deux ans d'attente" de mesures pour faciliter le travail des artisans du bâtiment, "c'est trop" et "la grogne monte", déplore aussi auprès de l'AFP Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb).

L'Union sociale pour l'habitat (USH), qui fédère les bailleurs sociaux, "attend un ministre mobilisé et actif pour résoudre un certain nombre de difficultés", affirme à l'AFP sa présidente Emmanuelle Cosse.

"La grande inconnue c'est le budget" et "les marges de manoeuvre" du nouveau ministre, relève-t-elle.

Bonne nouvelle saluée par tous : un ministère de plein exercice pour le logement, ce qui n'était pas le cas dans le premier et très éphémère gouvernement de Sébastien Lecornu qui avait confié à Eric Woerth l'aménagement du territoire, la décentralisation et le logement.

Quant aux acteurs de la politique de la Ville, Gilles Leproust, président de l'association d'élus Ville et Banlieue, "ne va pas se précipiter, on va attendre, on va voir comment la semaine se passe".

Comble pour un ministre du Logement, une enquête a été ouverte en 2024 pour prise illégale d'intérêt contre M. Jeanbrun, soupçonné d'avoir attribué des logements appartenant à un syndicat intercommunal à deux de ses collaborateurs. Il avait assuré "la légalité" de ces attributions.

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