Loi Climat : le Sénat muscle le volet logement

Le Sénat dominé par l'opposition de droite a musclé jeudi le volet logement du projet de loi climat et résilience, pour "donner de la visibilité" à l'objectif national BBC 2050 et garantir un "équilibre"entre nouvelles obligations et mesures d'accompagnement.

"On rehausse d'une façon importante l'ambition de rénovation énergétique", a assuré la rapporteure pour avis Dominique Estrosi Sassone (LR).

La France s'est fixé l'objectif d'un parc immobilier au niveau bâtiment basse consommation (BBC) d'ici à 2050.

"Le défi est considérable", a souligné Mme Estrosi Sassone. "Sur 29 millions de résidences principales, seulement 1,9 million sont classées A ou B selon le diagnostic de performance énergétique (DPE)".

Les sénateurs ont retenu ces deux classes comme définition d'une rénovation "performante", qualifiant la classe C de "moyennement performante".

C'est un des points de "divergence" soulevés par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, qui a rappelé que le gouvernement visait "une étiquette A, B ou C à l'horizon de 2050".

Avec le projet de loi climat, le gouvernement organise d'abord la chasse aux "passoires thermiques", ces logements énergivores classés F et G. La France en compte environ 4,8 millions, selon le ministère de la Transition écologique, dont un tiers sont occupés par des propriétaires à faible revenu.

Le projet de loi prévoit en premier lieu d'interdire, lors du renouvellement d'un bail ou de la remise en location, d'augmenter leur loyer. Les sénateurs proposent d'avancer d'un an l'entrée en vigueur de cette interdiction, soit dès la promulgation de la loi.

En 2025 pour la classe G puis en 2028 pour la classe F, ces logements seront ensuite interdits à la location.

Pour la classe E, que les députés ont prévu d'interdire à la location en 2034, les sénateurs ont repoussé le couperet à 2040, échéance jugée "plus réaliste", mais dénoncée comme "un recul" par les écologistes.

Il répond en tout cas à l'inquiétude exprimée par les professionnels de l'immobilier. "Interdire la location de logements E, représentant à eux seuls un quart du parc de logements actuellement loués, dans un horizon irréaliste, revient à mettre en péril les conditions de logement à moyen terme de près de 5 millions de Français", ont-ils mis en garde.

 

"Beaucoup trop loin" 

 

En revanche, les sénateurs ont intégré la classe D au calendrier d'interdiction de louer des logements indécents, à compter de 2048. "C'est quand même dans 27 ans", a relevé l'écologiste Daniel Salmon, pour qui "c'est vraiment beaucoup trop loin".

"On trace une trajectoire, on donne de la visibilité y compris à la filière du bâtiment", a souligné la rapporteure.

Les sénateurs ont en parallèle étoffé les mesures d'accompagnement.

Pour les ménages les plus modestes, ils ont ainsi garanti "un reste à charge minimal" et demandé "la gratuité des accompagnateurs de la mission Sichel".

Pour aider les bailleurs sociaux, la TVA sur les travaux de rénovation des logements (économies d'énergie, accessibilité et sécurité) serait abaissée à 5,5%.

Plusieurs mesures visent enfin les propriétaires de logements mis en location. "On ne peut pas être que sur le bâton, il faut aussi qu'il y ait une carotte", justifie Dominique Estrosi Sassone.

Sont ainsi proposés: le doublement du plafond du déficit foncier à partir d'un montant significatif de travaux, l'élargissement pour les logements F et G du dispositif "Denormandie" d'aide fiscale ou une exception à l'encadrement des loyers dès lors que les passoires thermiques font l'objet d'une rénovation performante.

La droite sénatoriale a enfin introduit pour les bailleurs "un congé pour travaux de rénovation énergétique", lorsqu'ils sont importants et ne peuvent se faire dans un logement occupé, une mesure qui inquiète la gauche. Mme Wargon y a vu aussi "un réel risque de détournement d'un tel congé lorsque le bailleur souhaite libérer le logement".

Les députés pourront revenir sur les modifications apportées par le Sénat en première lecture dans la suite de la navette parlementaire.

© 2021AFP