Loi climat : l'Assemblée s'attaque à l'enjeu "majeur" des "passoires thermiques"

Ces logements "énergivores" sont un enjeu clé du projet de loi climat: l'Assemblée nationale a adopté lundi soir à l'unanimité l'interdiction de la mise en location des "passoires thermiques" en 2028, mais l'opposition conteste le mécanisme choisi, "en trompe-l'oeil".

Il sera d'abord interdit, lors du renouvellement d'un bail ou de la remise en location, d'augmenter le loyer de ces logements classés F et G en performance énergétique, un an après la promulgation de la loi, examinée en première lecture.

En 2025 pour la classe G et en 2028 pour la F, ils ne feront plus partie des "logements décents". Selon le gouvernement, 1,8 million de logements seront ainsi interdits à la location. Comme prévu, les députés ont élargi la mesure aux logements classés E en 2034, via un amendement du rapporteur Mickaël Nogal (LREM).

Mais des oppositions de tous bords se sont abstenues en critiquant une "interdiction en trompe-l'oeil" (Vincent Descoeur, LR), car devant passer par un éventuel recours devant la justice.

"Pensez-vous que quelqu'un qui croupit dans un logement insalubre va avoir pour réflexe d'aller saisir le juge ? Ca n'arrive jamais", a lancé le socialiste Guillaume Garot.

Un "faux débat", aux yeux de la ministre du Logement Emmanuelle Wargon: "c'est un choix d'interdiction à travers un mécanisme proposé par la Convention citoyenne pour le climat", avec une "obligation légale" de mettre en location un "logement décent".

"Si ce n'est pas le cas, le locataire pourra en appeler à la responsabilité du bailleur, d'abord à travers un mécanisme de conciliation puis devant le juge", a-t-elle précisé.

- "Marchands de sommeil" -

Dans la majorité, François Pupponi (MoDem) a reconnu "une avancée", mais "les marchands de sommeil peuvent dormir tranquille. Une personne en situation irrégulière qui loue une chambre avec sa famille ne va pas porter plainte, c'est là où le bât blesse".

De l'aveu de tous, la rénovation énergétique de logements est décisive dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le bâtiment (logement et bureaux) représente un quart des émissions de gaz à effet de serre en France.

Et "aujourd'hui c'est un logement sur six qu'on peut qualifier de passoire thermique, ça veut dire 4,8 millions de logements dans lesquels des ménages ont trop chaud l'été et trop froid l'hiver", a souligné la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili en début d'après-midi.

La "cible" du gouvernement est d'atteindre un "parc bas carbone en 2050", pour "l'ancien" comme le "neuf", avec une moyenne de "B", en matière de performance énergétique, rappelle Emmanuelle Wargon.

La proposition du gouvernement est jugée insuffisante par la gauche et les écologistes, qui ont plaidé, comme la Convention citoyenne pour le climat, pour des "rénovations obligatoires" d'ici à 2040 et d'importants soutiens financiers pour les ménages.

Le gouvernement défend lui l'ensemble des aides disponibles (MaPrimeRenov' notamment) et a ajouté dans la loi un dispositif de soutien bancaire pour les ménages modestes, avec une "garantie partielle" de l'Etat pour les "prêts avance mutations", gagés sur la revente de biens ou lors de la succession.

Les députés ont en outre adopté un amendement gouvernemental de "programmation" pour deux périodes de cinq ans, précisant que les aides publiques à la rénovation devront être "stables" , "modulées en fonction des ressources des ménages", avec "un reste à charge financièrement soutenable".

Dans la foulée d'un récent rapport, l'Assemblée a aussi voté un "accompagnement individualisé", pour guider les ménages à toutes les étapes de la rénovation.

Outre l'interdiction des locations, un amendement MoDem fixe un calendrier d'obligation d'audit énergétique pour les logements mis en vente: en 2022 pour les classes F et G et en 2025 pour les logements E.

Comme le font déjà les professionnels de l'immobilier, les propriétaires qui louent ou vendent eux-mêmes leurs biens devront afficher le diagnostic de performance énergétique sous peine de sanction, selon un amendement de Mickaël Nogal (LREM).

La définition d'une "rénovation performante" a été précisée: un gain d'au moins deux classes pour atteindre A, B ou C, ainsi que "l'étude" et le "traitement" de "six postes de travaux ": "isolation des murs, des planchers bas, de la toiture, menuiseries extérieures, ventilation, et production de chauffage et d'eau chaude".

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