Le Premier ministre François Bayrou a annoncé mardi, lors de la présentation de ses orientations budgétaires pour 2026, la création d'une société foncière de l'immobilier de l'Etat, afin de "gérer et rendre utile" le "patrimoine improductif".
Son patrimoine, l'Etat "doit en prendre soin, le rénover, bien le gérer, bien le connaître, parfois le vendre, parfois acheter, construire, aussi bien le valoriser", a rappelé mercredi la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.
Or "nous constatons que nous pouvons faire beaucoup, beaucoup mieux", a-t-elle estimé à l'issue du conseil des ministres.
L'Etat occupe 96,7 millions de m2, dont 80% dont il est propriétaire. Le reste sont des bâtiments de collectivités territoriales ou loués à des privés, précise à l'AFP Alain Resplandy-Bernard, directeur de l'immobilier de l'Etat.
Près de 24% de ces surfaces sont des bureaux, 21% des lieux d'enseignement, 19% des logements. Mais l'Etat possède aussi des monuments historiques, des camps militaires, des prisons, des casernes.
Dans les bureaux de l'Etat, un poste de travail dispose en moyenne de 25,2 m2 de surface, alors qu'une circulaire de 2023 préconise 16 m2 par personne. "Le parc est sous-densifié", confirme Alain Resplandy-Bernard, qui prend pour comparaison des "ratios moindres chez nos homologues étrangers, comme 9 m2 par agent au Canada ou 14 m2 au Danemark".
S'ajoutent des "actifs immobiliers dont on peut tirer plus de revenus", en sous-louant une partie ou en trouvant des revenus annexes comme des panneaux solaires sur un toit, selon le directeur de l'immobilier de l'Etat.
A Montpellier, l'Etat a "réorganisé toute l'empreinte immobilière de la Direction générale des finances publiques, et les plus de sept localisations différentes (dans cette ville) vont être maintenant réorganisées en deux sites (...) adaptés aux besoins", a cité en exemple la ministre des Comptes publics.
- Séparer propriétaire et occupant -
L'idée de foncière de l'Etat avait déjà fait son chemin dans les sphères politiques et quatre députés du bloc central (Renaissance, MoDem, Horizons) ont déposé, avant les annonces de François Bayrou, une proposition de loi pour créer une foncière de l'Etat, avec pour but de séparer l'État-propriétaire de l'État-occupant.
Ils soutiennent ainsi qu'en exerçant "pleinement les responsabilités de propriétaire sur un portefeuille d'actifs immobiliers", cette foncière assurera une gestion plus efficace du patrimoine.
Actuellement c'est la Direction de l'immobilier de l'Etat (DIE), et son bras armé l'Agence de gestion de l'immobilier de l'Etat (Agile), qui "pilote, modernise et valorise" les 195.745 bâtiments et plus de 31.000 terrains de l'Etat.
Mais la gestion effective de ce patrimoine "est hyper éclatée entre tous les ministères et opérateurs, il y a des dépenses immobilières dans 47 programmes budgétaires différents", affirme Alain Resplandy-Bernard.
Si bien que la connaissance de ce parc immobilier présente des lacunes surtout sur "l'état des bâtiments, les taux d'occupation", rapporte-t-il.
En décembre 2023, la Cour des comptes estimait dans un rapport que "la DIE dispose de peu d'autorité vis-à-vis des ministères occupants pour faire valoir les intérêts de l'État-propriétaire".
Elle ajoutait que l'organisation actuelle de gestion du patrimoine de l'Etat "explique le manque d'entretien des bâtiments, auquel sont privilégiées de facto les grandes opérations emblématiques, ainsi que les retards dans la mise aux normes et la rationalisation des surfaces".
Le député François Jolivet (Horizons), qui fait partie des porteurs du texte pour créer une foncière, et son collègue Kévin Mauvieux (RN) ont souligné dans un rapport paru en 2024 que "la DIE est cantonnée dans un rôle d'expertise consultatif" et dans une "position d'animateur fonctionnel plutôt que dans celle d'un décideur".
"La totalité des dépenses en immobilier est d'environ 10 milliards d'euros" par an, en incluant les taxes, loyers, assurances, etc., selon Alain Resplandy-Bernard. Mais il ajoute que "le coût de la décarbonation et de l'adaptation du parc immobilier serait de 140 milliards d'euros d'ici 2050", une "somme colossale" qui pose "l'impératif de réduire la taille du parc pour investir dans le patrimoine conservé".