Les permis de construire chutent, la crise du neuf se prolonge

La crise est là : le nombre de permis de construire a continué en mars sa chute inexorable, suscitant des appels de plus en plus pressants du monde du logement à l'action des pouvoirs publics.

Fin mars, selon les données révélées vendredi par le ministère de la Transition écologique, le nombre d'autorisations de nouveaux logements délivrées en un an a chuté de 11,5%, à 441.400.

Une dégringolade constante depuis le mois d'août, quand ce nombre avait atteint un record (525.300) sous l'effet de dates-butoir réglementaires.

Cette fois, ce sont surtout les maisons individuelles qui tirent le total vers le bas. Un possible effet de calendrier, beaucoup de demandes de permis déposées en décembre 2021 pour des maisons ayant été validées début 2022, mais aussi le fait d'une tendance plus lourde: l'objectif zéro artificialisation nette des sols décourage la construction de maisons, plus propice à l'étalement urbain.

Le nombre de chantiers commencés, qui suit traditionnellement celui des permis de construire, recule de 8,3% sur un an à 359.200.

Les causes sont connues: dans le sillage de la guerre en Ukraine, les coûts de construction ont grimpé en flèche pour promoteurs et constructeurs.

Parallèlement, la remontée rapide des taux d'intérêt a limité l'accès au crédit des acquéreurs.

Certains professionnels choisissent donc de geler ou d'abandonner des chantiers, les jugeant trop peu rentables.

 

"Catastrophe" 

Une situation qui pèse lourd sur l'activité des promoteurs, et suscite des commentaires de plus en plus alarmistes dans le milieu.

"La catastrophe prévue est arrivée", a commenté pour l'AFP le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron.

"Si on continue avec les mêmes paramètres, on va vers une catastrophe", a aussi jugé Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). "Ce qui démontre l'urgence à réagir, c'est que lorsque la machine s'arrête, il faut du temps avant de réamorcer. Et l'économie de la construction ne se relance pas comme ça", affirme-t-il.

Le monde du logement s'impatiente vis-à-vis du gouvernement, accusé au mieux d'attentisme, au pire d'inaction face à la crise.

Jeudi, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé un futur prolongement au-delà de 2023 du prêt à taux zéro, qui permet sous certaines conditions à des acquéreurs d'emprunter pour financer l'achat de leur résidence principale.

"On est en train de travailler pour savoir la manière dont il sera maintenu", a assuré sur BFM Business le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, favorable à "le verdir".

Le gouvernement va aussi travailler avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour relancer des chantiers mis à l'arrêt.

"Si un projet est complètement bloqué mais qu'il a intérêt à sortir de terre, on va travailler avec la Caisse (...) pour qu'on relance cette activité de construire", a promis le ministre.

 

"Un rebond urgent" 

Le 9 mai, Olivier Klein doit annoncer les mesures qu'il retient des propositions du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR), série de consultations voulue par Emmanuel Macron.

Le président de la République arbitrera ensuite, à son tour, entre les propositions retenues de chaque volet thématique.

"Il faut un rebond urgent, toutes les mesures connues, archi connues, qui aujourd'hui sont en situation de blocage ou d'analyse au niveau du gouvernement, il faut qu'elles sortent à l'occasion de ce CNR Logement", a affirmé Olivier Salleron.

Selon les calculs de la FFB, en l'absence de mesures, 100.000 emplois sont menacés d'ici à la fin 2024.

"Je n'ai aucune illusion sur le débouché des propositions qui sont transmises", a de son côté tranché Loïc Cantin. "Si elles sont à l'image des entretiens qui ont eu lieu, je ne m'attends pas à de grandes innovations. Une concertation de plus pour justifier d'avoir voulu entendre les acteurs."

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