Expansion, décarbonation, privatisation ? Les défis du nouveau patron d'ADP

Prochain patron du gestionnaire des aéroports parisiens et d'une vingtaine d'autres plateformes dans le monde, Philippe Pascal va devoir manoeuvrer au plus fin ces actifs stratégiques, sous forte pression politique, actionnariale, environnementale et sociétale. Voici ses principaux défis:

Conforter son rang mondial

A l'origine simple gestionnaire de Paris-Charles-de-Gaulle (CDG) et Orly, ADP est devenu un acteur international de premier plan avec 26 installations exploitées en direct ou via des partenaires, de Santiago du Chili à Delhi en passant par Amman. Avec 363 millions de passagers en 2024, il se situe juste après le n°1 mondial, l'Espagnol Aena (369), et devance Vinci Airports, filiale du géant français du BTP (318) et l'allemand Fraport (174).

ADP n'a pas annoncé de gros contrat depuis la crise du Covid-19, mais reste ouvert aux opportunités, selon ses dirigeants.

Décarboner en croissant... ou pas

Le secteur aérien s'est engagé à ne plus concourir au réchauffement climatique au plus tard en 2050, et ADP le prévoit bien avant pour ses plateformes franciliennes, avec un recours aux énergies renouvelables et une électrification des équipements de piste. Le groupe veut bannir les voitures individuelles de la proximité d'Orly et a lancé des partenariats sur les carburants d'origine non fossile et l'hydrogène.

Tout en jugeant que "le tout-aérien n'est pas responsable", M. Pascal a rejeté l'idée d'imposer des limites à l'expansion du transport aérien, affirmant aux députés le 5 février que la croissance restait nécessaire pour financer la décarbonation, à rebours des convictions des défenseurs de l'environnement.

CDG et Orly n'ont pas encore retrouvé leur affluence d'avant-Covid, un décrochage par rapport à la tendance mondiale, au moment où le gouvernement français décourage l'usage de l'avion sur courtes distances. Sur les liaisons vers l'Asie, les "hubs" européens sont en concurrence avec des installations géantes en Turquie ou dans le Golfe.

Soigner les compagnies

En plein processus de nomination de M. Pascal, le directeur général d'Air France-KLM Benjamin Smith a affirmé que son entreprise était "moins bien traitée" par ADP que ses concurrentes à CDG, qui bénéficient selon lui de débarquements quasi systématiques via des passerelles, alors qu'une partie des passagers d'Air France sont contraints de prendre un bus pour rejoindre le terminal.

Les relations avec les compagnies devraient occuper une bonne partie du temps de M. Pascal, qui devant les députés a affirmé avoir échangé "très directement et de manière très apaisée" avec M. Smith.

Il a aussi mentionné la nécessité de "réinvestir notre coeur de métier" et de "faire ce que l'on doit faire sans se disperser". Faut-il le comprendre comme une pique au projet de "taxis volants" parisiens dont ADP a été l'un des principaux soutiens, avant un coup d'arrêt infligé par le Conseil d'État fin décembre ?

Attentives aux redevances aéroportuaires qu'elles acquittent, les compagnies sont aussi sourcilleuses vis-à-vis de défaillances des services au sol qui entravent leurs opérations, notamment la manutention des bagages, les inspections de sécurité et l'accompagnement des personnes à mobilité réduite, autant de prérogatives d'ADP ou de ses sous-traitants.

Gérer la pression, nationale et locale

M. Pascal a eu un avant-goût de la pression qui va s'exercer sur lui en répondant aux députés, nombre d'entre eux relayant l'exaspération des riverains vis-à-vis des nuisances sonores et l'inquiétude des défenseurs de l'environnement, mais aussi la frustration face aux files d'attente dans les terminaux.

Avec ses 70,3 millions de passagers, CDG, actif stratégique, est la principale porte d'accès à la France, première destination touristique mondiale.

Préparer une privatisation ?

Évoquée depuis 2019 mais suspendue pendant la crise sanitaire il y a cinq ans, la question de la vente de tout ou partie des 50,6% d'ADP contrôlés par l'Etat reviendra-t-elle à l'ordre du jour, au moment où le gouvernement cherche à combler un déficit budgétaire plus important que prévu ? La société vaut actuellement 11 milliards d'euros en Bourse.

"Il ne m'appartient pas de commenter un choix qui sera celui de l'État", a-t-il répondu aux députés. L'ex-directeur financier aura quoi qu'il arrive les yeux rivés sur le cours de l'action ADP qui évolue actuellement à environ 110 euros contre 175 début 2020.

L'entreprise, redevenue très rentable, demeure contrainte par son importante dette de plus de 8 milliards d'euros, héritée de la crise sanitaire.

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