Copropriétés privées dégradées : enjeu de la rénovation urbaine

Grigny 2 (Essonne), le Chêne Pointu (Seine-Saint-Denis), Le Mirail à Toulouse... Ces copropriétés privées présentées comme des modèles d'urbanisme dans les années 1960-70 tombent en ruine et sont emblématiques du mal-logement dans les banlieues françaises.

Pour les pouvoirs publics, ces copropriétés dégradées sont devenus un enjeu de la rénovation urbaine.

 

110.000 

C'est le nombre de copropriétés qu'on estime fragilisées par des problèmes financiers, techniques et sociaux en France métropolitaine, soit 1,2 million de logements.

Certaines habitations présentent des dégradations du bâti - parfois jusqu'à l'effondrement - menaçant la santé et la sécurité de leurs occupants et des riverains.

En 2018, l'effondrement de deux immeubles insalubres du centre de Marseille avait provoqué la mort de huit personnes.

A Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, une tour de 32 étages fait l'objet d'une procédure d'expulsion pour risque d'effondrement des balcons et ses occupants doivent quitter leur logement avant le 8 décembre.

C'est l'Ile-de-France qui concentre plus de 50% des copropriétés dégradées, selon les chiffres de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) qui a ciblé 14 sites sur le territoire.

 

Plan initiative copropriété 

Lancé en 2018 par le gouvernement et piloté par l'Anah et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ce plan vise à coordonner une stratégie nationale de traitement des copropriétés. Il est doté d'une enveloppe de 2,7 milliards d'euros sur 10 ans.

Ses trois axes sont:

- Démolition: quand le bâtiment est trop dégradé, l'Etat rachète l'ensemble des logements, qui sont par la suite démolis ou revendus à un bailleur social pour être rénovés et transformés en logements sociaux.

- Redressement: quelques logements sont rachetés puis réhabilités avant d'être mis en location. En parallèle, l'établissement public CDC habitat assiste la copropriété dans l'assainissement de ses finances puis dans la rénovation des parties communes. Une fois l'attractivité de la résidence rétablie, les logements sont remis à la vente.

- Prévention: le registre national des copropriétés permet aux collectivités locales de mettre en place des actions comme le versement d'une prime aux travaux pour que les copropriétés qui présentent un profil de fragilité ne se dégradent pas.

 

Sauvetage de Grigny 2 et du Chêne Pointu 

Il a servi de décor pour le film "Les Misérables" de Ladj Ly: le quartier du Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois a été longtemps laissé à l'abandon par l'Etat qui n'avait aucun levier d'action.

En 2015, le quartier fait l'objet de la première "opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) d'intérêt national". Ainsi, l'Etat rachète les appartements (700 environ à ce jour) aux habitants et certains sont relogés dans des logements sociaux.

L'opération est estimée à 500 millions d'euros et durera au moins jusqu'en 2030. A terme, toutes les barres seront démolies.

A Grigny 2, l'une des plus grandes copropriétés d'Europe, gangrénée par des logements insalubres, l'Etat va racheter par l'intermédiaire de l'établissement foncier d'Ile-de-France (Epfif) 1.320 logements sur les 5.000. Parmi eux, 920 seront détruits (neuf bâtiments sur les 104) et 400 transformés en HLM.

Il s'agit de la plus grande opération de redressement d'une copropriété en France.

Dans les deux cas, la paupérisation a fait sombrer les copropriétaires qui se sont retrouvés écrasés par le poids conjugué du remboursement du crédit et des charges élevées.

Le rachat des appartements fait débat parmi les propriétaires. Beaucoup reprochent des offres à des "prix cassés", entre 900 et 600 euros du m2.

"Nous sommes conscients que c'est socialement délicat mais ces logements ne valent plus rien", confie un proche du dossier.

© 2021AFP