Au salon Intermat, la décarbonation des chantiers du BTP et la reconstruction de l'Ukraine

Le salon Intermat des matériels de chantier des travaux publics, qui ouvre ses portes mercredi en France, voudrait promouvoir la décarbonation d'un secteur responsable d'une bonne partie du réchauffement de la planète et se penchera aussi sur la reconstruction de l'Ukraine.

En plein marasme de la construction en France, le salon, qui se tient normalement tous les trois ans à Villepinte (Seine-Saint-Denis), en alternance avec un salon à Munich en Allemagne et un autre à Las Vegas aux Etats-Unis, est en fait le premier en France depuis 2018, après l'annulation de l'édition précédente pendant la crise sanitaire.

Camions-toupie, grues, malaxeurs de béton, chariots téléscopiques, pelles, chargeurs, camion-tombereaux, outils de forage, groupes électrogènes ou concasseurs de béton, les matériels exposés servent à transporter, lever, terrasser, démolir, recycler, construire aussi bien des bâtiments que des infrastructures comme barrages, ponts ou routes.

Or la construction et le BTP, responsables de 21% des émissions mondiales de CO2 selon le Giec - les spécialistes du climat mandatés par l'ONU - sont montrés du doigt pour leur rôle dans l'augmentation des températures moyennes de la planète : C'est un secteur qui "n'est pas sur la bonne voie pour parvenir à la décarbonation d'ici 2050", a souligné un récent sommet ONU Environnement à Paris en mars.

"Mais beaucoup de choses ont changé en six ans depuis la dernière édition du salon: la décarbonation est devenue le maître-mot de matériels - souvent diesel - qui représentent 20% des émissions de CO2 des chantiers du BTP", affirme à l'AFP Christophe Lecarpentier, directeur du pôle agro-équipements de l'organisateur du salon, Comexposium.

Quatre engagements

De fait, pour la première fois au niveau français, les fédérations d'entreprises des travaux publics et du bâtiment, FNTP et FFB, se sont alliées avec la fédération des distributeurs et loueurs de matériels DLR, ainsi qu'avec les deux fédérations du machinisme, Evolis qui regroupe surtout des constructeurs d'engins basés en France, et Semat, qui compte aussi des importateurs, pour bâtir le programme de la manifestation.

Ensemble, les cinq fédérations doivent signer mercredi un manifeste nommant leurs "quatre engagements" pour décarboner la filière des engins de construction. Le but est de réduire l'empreinte carbone des chantiers de 40% d'ici 2030 en France, pays où sont basés des géants de la construction d'infrastructures tels Vinci, Bouygues ou Eiffage, actifs dans le monde entier.

Car la particularité des chantiers est qu'ils sont loin d'être tous en zone urbaine. Leur défi est d'amener l'énergie sur place. Longtemps ce fut via des appareils diesel très polluants, aussi bien en CO2 qu'en particules fines.

Aujourd'hui "certaines marques n'exposent que des machines électriques ou fonctionnant à l'hydrogène", relève M. Lecarpentier: des grues hybrides comme l'italien Merlo ou des "power banks", batteries géantes qui remplacent les groupes électrogènes de chantier au gazole, comme ceux proposés par la société américaine Moog Construction.

En France, Mecalac, basé en Rhône-Alpes a lancé fin 2023 sa première gamme d'engins électriques. Montabert, spécialiste de marteaux hydrauliques basé en Rhône-Alpes aussi (groupe japonais Komatsu), propose des "retrofit" pour changer l'alimentation énergétique et ainsi prolonger la durée de vie des matériels de chantier.

"Jusqu'à présent nos clients étaient des acheteurs des services techniques, et de plus en plus nous voyons des directeurs chargés de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou des responsables du numérique de grands groupes de construction", note M. Lecarpentier.

Enfin, le volet international du salon va plancher sur la reconstruction de l'Ukraine, en vue de la 4e conférence internationale "Rebuild Ukraine" prévue sur le sujet les 13 et 14 novembre à Varsovie en Pologne, après celle pilotée par l'Allemagne, qui se tient les 11 et 12 juin à Berlin.

Pierre Heilbronn, envoyé spécial de la France pour l'aide à la reconstruction du pays envahi par la Russie en février 2022 doit s'exprimer jeudi devant les professionnels rassemblés au salon, aux côtés de Business France, l'agence publique qui accompagne les entreprises françaises à l'international, et de responsables ukrainiens chargés du dossier.

Quelque 10% du parc immobilier du pays a été endommagé ou détruit, selon la Banque mondiale, qui évalue le coût de la reconstruction de l'Ukraine à environ 486 milliards de dollars, en fonction de l'évolution de la guerre.

© 2024AFP